36.
-
V.
Les
Objections contre la Providence
Les
objections contre
la Providence sont de deux sortes. Elles sont tirées :- l° de l'existence
du mal, tant dans l'ordre physique que dans l'ordre moral; et 2° de l'inégale
et, partant, concluent les adversaires, de l'injuste répartition, des biens.
1° L'existence du mal dans le monde.
- A.
Le mal
physique. -
Les défauts du corps, les calamités, les souffrances sont partout
dans la nature. Pourquoi les cataclysmes, les ouragans, les
tremblements de terre ? Pourquoi les fléaux ? Pourquoi la
guerre, ? Pourquoi la douleur ? Le mal ne s'élève-t-il pas contre les attributs de Dieu,
contre sa puissance, s'il n'a pu l'empêcher et contre sa bonté
s'il ne l'a pas voulu ?
Réponse.
-
a) Remarquons d'abord que le mal physique n'est que la
conséquence de l'imperfection
des créatures (1). Les êtres créés
sont nécessairement
des êtres finis. Du moment donc qu'il y a création, il y a
imperfection et défectuosités. - b) Tout ce que
nous appelons mal ne l'est pas toujours en
réalité.
Ainsi il ne faut pas nommer mal le cataclysmes qui
sont, d'après le mot de Lamennais : « le merveilleux et magnifique
travail de la nature ». Remarquons d'abord que le mal physique n'est que la
conséquence de l'imperfection
des créatures
-(1) L'imperfection du monde ou le défaut
d'être est appelé par Leibniz (Essais de théodicée) « mal métaphysique »: - Les philosophes ne sont,
du reste, pas d'accord sur la valeur du monde. -
a) Les optimistes
absolus (MALEBRANCHE,
LEIBNIZ)
estiment que le
monde. considéré dans son ensemble, est le meilleur possible ;
-
b) Les pessimistes SCHOPENHAUER la religion bouddhiste), affirment que le monde est
absolument mauvais; - optimistes relatifs tiennent le milieu entre les deux extrêmes.
Ils pensent que, si le monde n'est pas le meilleur possible,
il est bon en soi, et par rapport :à
la fin
que Dieu s'est proposée. C'est l'opinion de saint THOMAS, de
BOSSUET, de FÉNELON
c)
Le mal commence, en fait,
avec la douleur
-
qu'il s'agisse de la souffrance physique ou de la souffrance morale,
peu importe. Que la douleur soit une torture du corps ou de l'âme,
c'est incontestable ; mais peut-on dire pour cela et, d'une
manière absolue, qu'elle soit un mal ?
Certainement non.
-1. Car, d'un côté, au point de vue physique, elle est souvent la condition
du bien : ainsi la
souffrance nous fait rechercher les remèdes qui guérissent les
maladies, et concourt par là à la conservation de l'être. Au
surplus, il ne faut pas oublier que chaque individu n'est qu'une
partie bien minime de l'univers et que le bien général s'obtient par le sacrifice du bien
particulier : c'est par le
sang de nombreux soldats que s'achète le salut de la patrie. - 2.
D'un autre côté, au point de vue moral,
la douleur n'est pas une
fin, elle est
un moyen.
Elle rentre dans l'exécution du plan divin en amenant l'être qui souffre
à l'expiation de ses fautes morales et à la pratique des plus
héroïques vertus. Car l'homme peut toujours se mettre
au-dessus de la douleur, la dominer par sa force d'âme et
l'énergie de sa volonté. Il peut l'accepter comme un moyen de se
grandir et comme une source de mérite et de récompense. « La
tribulation, dit Montaigne, est à l'âme comme un marteau qui la
frappe et qui, on la frappant, la fourbit et la dérouille.»
Voilà autant de raisons qui
expliquent le mal
physique et, quand bien
même elles nous paraîtraient insuffisantes, nous ne devrions pas
encore en conclure que Dieu n'ait pas de justes motifs d'agir ainsi.
Les explications qui
précèdent nous sont fournies par la raison. La
doctrine
de l'Église
va plus loin et
dégage mieux la Providence des reproches qui lui sont faits. Elle
affirme, en effet, que les maux physiques sont la suite
du péché originel dont
l'existence est prouvée plus loin (N° 65) et qu'ils doivent, par
conséquent, être imputés â nos premiers parents et non à Dieu.
Elle ajoute que, dans l'état actuel, l'homme est ainsi amené par
les misères de la vie à se détacher de ce monde qui n'est pas
pour lui une « cité permanente » et à chercher celle qui est à
venir ( Hébr., XIII, 14 ) par la soumission à la volonté
divine.
B. Le
mal moral. - Le
mal physique peut venir de Dieu. Mais le mal moral est-il
compatible avec le gouvernement d'un Dieu qui est la sainteté même
?
Évidemment,
Dieu ne peut pas vouloir le péché; il le permet seulement.
Il le permet parce qu'il veut laisser à l'homme la liberté,
et, par la liberté, l'occasion de mérites et de vertus. Que la
liberté soit un bien, on ne peut le mettre en doute. Si l'homme en
abuse, à qui la faute sinon à lui-même et non à Dieu ! Du reste
« à proprement parler, le mal n'existe pas; il n'existe que des
êtres mauvais... Bien plus, nul n'est mauvais absolument, et dans
le plus pervers il existe une impérissable racine de bien qui, au
sein de la mort apparente, élabore en secret la sève destinée à
ranimer un jour, sous le rayon de l'astre éternel, la pauvre plante
à demi desséchée
(1).»
(1)
LAMENNAIS Esquisse d'une Philosophie.
2°
La répartition inégale des biens est un autre prétexte pour
accuser la Providence. On objecte que l'homme de bien reçoit
rarement la récompense de ses bonnes actions, qu'il est, plus que
tout autre, éprouvé par le malheur tandis que le méchant n'est
pas puni de ses crimes et vit souvent dans la prospérité et le
bonheur.
Réponse.-
a) Nous
pouvons faire observer que la plainte est exagérée, car les
biens, comme les maux, sont distribués par Dieu sans distinction
entre les bons et les méchants. « Dieu fait lever le soleil sur
les méchants et sur les bons et descendre sa pluie sur les justes
et les injustes.» (Mat.,V, 45.) Il serait même plus vrai de
dire que l'homme vertueux a une plus forte somme de bonheur ici-bas
; n'a-t-il pas la tranquillité d'âme et la satisfaction
intérieure qui sont les fruits d'une bonne conscience, alors que
l'impie est souvent mordu par le remords et ne goûte que des joies
éphémères ? «J'ai vu l'impie au comble de
la puissance. Il s'élevait comme un cèdre du Liban. J'ai passé et
il n'était déjà plus.» (Ps.,XXXVI, 35,36).
b)
Même dans l'hypothèse, très
discutable, que les biens seraient distribués par Dieu dans une
plus large mesure aux méchants qu'aux bons, nous rentrerions dans
le cas du mal physique dont nous avons parlé précédemment. Les
biens temporels ne sont pas la fin de l'homme, ils ne sont que les
moyens d'atteindre cette fin. Les revers, les misères et
l'infortune doivent devenir des occasions de mérite et ils peuvent
être la dette que les justes ont à payer à Dieu pour leurs
fautes, de même que la prospérité des méchants est peut-être le
salaire du bien qu'ils ont accompli, aussi minime qu'il puisse
être. Si la vertu, d'ailleurs, était sûre de gagner
infailliblement une récompense temporelle, combien seraient
vertueux, plus par intérêt que par amour du bien et par
obéissance aux préceptes divins !
Conclusion
pratique.
1° Dieu, est bon. Rien ne peut nous pousser plus
à l'amour de Dieu que la considération de sa bonté. 2°
Dieu est infiniment, grand. Plus une chose
est excellente, plus elle est digne de recherche. Le plus noble
service est donc,
celui de Dieu. Il vaut mieux être au service de Dieu,
qu'à celui des princes de la terre, car « servir Dieu, c' est
régner ». 3° Dieu est partout. Nous ne pouvons trouver un
endroit qui nous dérobe à ses regards si nous
voulons
commettre le péché. 4° Dieu est infiniment
juste. II donnera à chacun selon ses actions, le Ciel aux
vertueux et l'Enfer au, pécheurs. Que ces différentes pensées
nous guident toujours dans le chemin du devoir !
LECTURE
(Livre
de Job). - Job, modèle de soumission
à la volonté divine.
QUESTIONNAIRE.-
I.
1°
Quelles sont les
principales erreurs sur la manière de concevoir la nature de
Dieu ?
2° A quelles sources
l'Église a- t - elle puisé sa doctrine sur la nature de Dieu ? 3° Quelle est la double méthode employée par la raison
?
II.
1° Qu'entendez-vous par attributs négatifs
? 2° Quels sont les attributs négatifs
de Dieu ?
III
1°
Qu'est-ce que les attributs positifs ou moraux de Dieu ? 2°
Quels
sont-ils ? 3° Peut ou concilier la prescience divine
et la liberté humaine? 4° Comment concevez-vous
la liberté divine ?
IV.1°
Qu' est-ce que la Pr ovidence ? 2° Quels sont les adversaires de la Providence
? 3°
Quel est le dogme catholique sur la Providence ? 4°Comment
peut-on prouver l'existence de la Providence ?
V.
1°
Quelles objections peut-on faire contre la
Providence ? 2° Si Dieu est
tout puissant et bon, comment se fait-il qu'il n'ait pas créé le
monde meilleur ? 3° Le mal
moral n' est-il pas encore plus incompréhensible de la part d'un
Dieu qui est la sainteté même ?
4°
Est-il admissible que les biens et les
épreuves soient réparties parmi les hommes d'une manière si
inégale et souvent si injuste ?
DEVOIRS ÉCRITS
-1°
Dire
comment vous vous représentez Dieu. 2°
La prescience divine et la liberté humaine sont-elles
incompatibles ? 3° Que
pensez-vous de la Providence ? 4° Comment
peut-il se faire qu'un Dieu infiniment parfait permette le péché
? 5° Viendra-t-il un jour où
la justice complète sera rétablie ?
Leçon
extraite du manuel d'instruction religieuse
La
Doctrine Catholique par
l'Abbé A. BOULENGER
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