ET
AU- DELÀ DE LA
LOI ?
Et
ce n'est pas
tout. De
nombreux
astronomes
considèrent que
la dynamique de
notre système
est en fait
séparée en
deux parties
bien distinctes
: les planètes
telluriques, de
Mercure à Mars,
et les autres,
à partir de
Saturne.
On
peut alors
trouver deux
lois « en n au
carré » -- la
position de la
énième
planète est de
la forme (a +
bn) 2 -
qui
décrivent avec
une
excellente
approximation
les positions
des neuf
planètes de
notre système.
Cliquez pour voir courbe.
Que
penser de tout
ce capharnaüm ?
Vu le petit
nombre de
planètes à
prendre en
compte, il n'est
peut-être pas
si étonnant de
trouver une
relation... (
Comment savoir
si les
régularités
apparemment
observées ne
sont que
coïncidences ou
si un tel ordre
émerge
naturellement ?
La
solution serait
d'étudier les
mécanismes de
formation
des
systèmes
planétaires pour
en déduire une
loi qui ne soit
plus empirique,
mais dérivée
de principes physiques
fondamentaux.
Les astronomes
considèrent
généralement
que les
planètes se
sont forme par
accrétion de
petits
corps, mais les
mécanismes
physiques
déterminant
cette
accrétion leur
sont encore
largement
inconnus.
Instabilité
gravitationnelle, turbulence, forces électromagnétiques, ondes de pression,
collision... de
nombreux
phénomènes
sont invoqués.
Souvent
incompatibles.
Même
si aucun n'est
pour l'instant
validé, il est
toutefois
intéressant de
voir quelle
disposition ces
modèles
prévoient pour
les planètes.
Et la, nouvelle surprise : de
nombreux
modèles
prévoient une
loi à la Titius-Bode
! Il y en a
même tellement
que les grandes
revues
d'astronomie
refusent
maintenant de
publier de tels
travaux. « Nous
en avons
dénombré plus
de quinze »
soulignent
François Graner
de l'École
normale
supérieure a
Paris, et
Bérengère
Dubrulle de
l'observatoire
Midi-Pyrénnées,
à Toulouse, qui
se sont
penchés,
il a quelques
années, sur
cette étrange
affaire. « Cette
facilité à
produire une loi
de Titius-Bode
à partir de
modèles aussi
distincts nous a
semblé encore
plus étonnante
que la loi elle-même.»
Après
enquête, les
deux chercheurs
français
remarquent que
tous ces
modèles
théoriques de
formation des
système
planétaires qui
induisent
l'existence
d'une loi de
Titius-Bode ont
en commun deux
hypothèses : la
première est
l'invariance de
rotation du
système (à
l'origine, il
n'y a aucune direction
privilégiée
dans la
distribution
de
la matière), la
seconde est
l'invariance
d'échelle (les
modifications
physiques entre
un point et
un
autre situé
deux fois plus
loin
du Soleil sont
invariantes
quelle
que
soit la position
du point).
Bérengère
Dubrulle et
François
Graner
démontrent que
ces deux
hypothèses
suffisent pour
qu'apparaisse la
fameuse loi : il
est donc
facile
de « cuisiner
sa propre loi de
Titius-Bode
» en jouant sur
différents
paramètres
physiques... (2)
(2)
Astronomy and Astrophysics
(1994, vol 382,
p.262).
Attention
! Cela ne veut
pas dire
qu'il
n'existe pas une
loi de
Titius-Bode
dans notre
système
solaire. Cela veut
juste dire qu'il
ne faut pas
espérer valider
un modèle de
formation des
planètes sous
prétexte qu'il induit I
l'existence de
la fameuse loi
apparemment
observée.
LE
CHAOS
SIMPLIFICATEUR
Pour
compliquer
l'affaire, il
existe d'autres
modèles qui ne
sont pas basés
sur ces
hypothèse de
symétrie.
Laurent Nottale,
de
l'observatoire
de Paris-Meudon,
développe ainsi
depuis de
nombreuses
années une
nouvelle
physique
complexe,
audacieuse et
critiquée : la
théorie de la
relativité
d'échelle, qui
généralise la
théorie de la
relativité
d"Einstein (3)
(3)
voir Science &
Vie n° 936 p 46
En 1996, en
combinant cette
relativité
d'échelle et
les lois de la gravitation,
il
réussit
à construire un
modelé de
formation des
système
planétaires qui
prévoit, lui,
que les
planètes se
disposent en «
au carré » déjà
rencontrée (4)...
(4)
Astronomy
and Astrophysics
(1996, vol. 315,
L9)
Selon cette
théorie, tous
les systèmes
planétaires
suivent la même
loi de
disposition, à
la masse de
l'étoile près.
La
traque du hasard
des planètes
devient
décidément de
plus plus en
embrouillée.
Beaucoup de
modèles
théoriques de
formation des
planètes
affirment qu'il
y a une loi qui
régit leur
position. Mais,
premièrement,
aucun de ces
modelés n'est
validé :
deuxièmement,
les lois
produites sont
différentes; et
troisièmement
ces lois sont pourtant
en accord avec
les
observations...
» En résumé,
on n'est sûr de
rien
L'année
dernière,
Jacques Laskar a
cependant imaginé
un nouveau moyen
pour essayer de
dissiper les
brumes de ce
hasard « On peu
peut-être
déduire
l'organisation
des systèmes
planétaires à
partir de
concepts
physiques
simples qui ne
prennent pas en
compte les
mécanismes par
lesquels la
matière
s'agrège »,
propose le
directeur de
recherche au
Bureau des
Longitudes de
Paris (5).
(5)
Physical
Review Letters
(2000, vol. 84,
p. 3240).
Et ce « concept
physique simple
», c'est le
chaos. En
prolongeant les
travaux
astronomiques de
Laplace, Le
Verrier et
Poincaré,
Jacques Laskar a
en effet lui-même
démontré au
début des
années 90 que
les mouvements
des planètes
sont chaotiques.
Si on prend en
compte les
petites
attractions
entre planètes,
en plus de
celle, beaucoup
plus importante,
du Soleil, les
planètes n'ont
plus une orbite
parfaitement
elliptique mais
balayent toute
une zone autour
de leur orbite
moyenne.
PROCHE
DE L'ÉTAT FINAL
En
intégrant ces
petites
fluctuations
gravitationnelles
dans un énorme
système
d'équations de
800 pages (dont
la résolution
est confiée à
un ordinateur),
Jacques Laskar a
démontré que
toute erreur sur
la mesure des
positions des
planètes est
multipliée par
dix tous les dix
millions
d'années. Soit
par dix
milliards au
bout de cent
millions
d'années... Il
nous est donc
impossible avec
nos mesures
approximatives
de prévoir à
long terme la
position des
planètes...
Elles évoluent
au hasard dans
l'espace, en
tout cas au sens
de Solomonoff-Kolmogorov-Chaitin
N'est-ce
pas alors
paradoxal de
chercher une loi
dans les
positions de ces
planètes qui
errent au hasard
? Non. Il
suffit de
regarder notre
système
solaire.
«Toutes les
orbites sont
chaotiques,
explique Jacques
Laskar. Mais,
mis à part
Mercure, qui
pourrait encore
entrer en
collision avec
Vénus et à
moins bien sûr
qu'un
événement
extérieur
à notre
système le
perturbe, les
planètes ne
peuvent plus se
rencontrer. Les
zones balayées
par les
planètes ne se
coupent plus.
Notre système a
donc presque
atteint son
état final. »
L'équilibre a
émergé du
chaos.
Pour
connaître les
caractéristiques
de cet état
final,
l'astronome
français a
analysé
l'année
dernière
l'évolution de
10 000 petits
blocs de
matière
répartis sur un
disque tournant
autour de
l'étoile
centrale
en se cognant
aléatoirement.
« A chaque
collision, les
corps
s'agrègent et
grossissent,
explique le
chercheur. Et
plus ils sont
gros, moins ils
bougent.
L'évolution du
système tend
alors vers un
état ou leurs
trajectoires,
bien que
chaotiques, ne
pourront plus se
rencontrer. » A
coup de calculs
théoriques et
de simulations
informatiques,
Jacques Laskar a
alors montré
que « cet état
final est
structuré par
une loi de
disposition des
planètes ».
Les planètes ne
seraient donc
pas disposées
par hasard. Plus
précisément,
c'est parce
qu'elles
évoluent au
hasard que leurs
positions se
stabilisent
suivant une loi.
EXOPLANÈTES
EN RENFORT
Quelle
est donc cette
loi, née du
chaos, que l'on
traque depuis si
longtemps ? Il y
en a en fait
plusieurs, tout
dépend de la
distribution
initiale de
matière. Elles
sont presque
toutes de la
forme "n au
carré"
(notre système
étant séparé
en planètes
intérieures
jusqu'à Mars et
extérieures au-delà).
Mais, comble de
malice, il
existe une
distribution
initiale très
particulière
qui produit une
loi de la forme
"K exposant
n"... c'est-à-dire
une loi "à
la Titius-Bode"
! Nous ne
pouvons donc
toujours pas
savoir quelle
est la loi de
nos planètes
puisque nous ne
connaissons pas
la distribution
initiale de
matière dans
notre système.
La traque donne
le tournis. Il
est de plus en
plus probable
que les neuf planètes
soient
disposées
autour du
Soleil
suivant une loi
en "n au
carré",
mais il est
aussi possible
qu'elles suivent
une loi en
"K exposant
n", voire
pas de loi du
tout, les
travaux de
Jacques Laskar
n'étant qu'un
« premier pas
vers des
simulations
numériques
encore plus
réalistes »...
La réponse
définitive ne
va cependant
plus tarder.
Depuis quelques
années, la
chasse
aux exoplanètes
s'est en effet
ouverte, et l'on
peut observer de
plus en plus
précisément
leur position
par rapport à
leur étoile. II
y a quelques
mois, Laurent
Nottale a ainsi
étudié la
distribution des
50 exoplanètes
jusqu'alors
découvertes. «
En recalibrant les distances en
fonction de la
masse de
l'étoile, cette
distribution est
en
très
bon accord avec
la loi en n= »
, note le
chercheur (6).
(6)
Astronomy
and Astrophysics
(2000, vol. 316,
p. 379).
Mais
patientons
encore un peu.
Demain, c'est
par milliers que
nous
compterons
les nouvelles
exoplanètes.
Après quatre
cents ans
d'incertitude,
nous aurons
enfin les moyens
statistiques de
savoir s'il
existe une loi
qui régit la
position de nos
neuf planètes,
de Mercure à
Pluton. Mais à
peine cette
longue traque du
hasard
terminée, une
autre
commencera.
Cette loi de
position, si
elle existe,
nous permettra
en effet de
trouver des exoplanètes
situées à une
distance de leur
étoile
comparable à la
notre et donc
propice au
développement
de la vie. Nous
chercherons
alors à savoir
si c'est par
hasard que la
vie est apparue
sur Terre..
.Régulières
ou pas ?
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