Extrait
du livre de Mgr Charles-Eugène ROY p.d.
la
vierge de guadalupe
IMPÉRATRICE
DES AMÉRIQUES
Voyez
au bas de l'article la place de Notre Dame de Guadalupe dans le
Mexique
...................
On trouve encore son image sur des pièces
de monnaie de toutes valeur, sur toutes sortes de médailles,
magnifiquement ciselées sur or, argent ou ivoire, en exquises
miniatures sur des graines de papayas (sorte de melon); sur les
bracelets, les colliers, les broches, les bagues; sur les billets de
loterie, sur les étiquettes commerciales, les bouteilles de liqueur,
les presse-papier et les coupe-papier, les ustensiles de toutes sortes
de cuisine ou de bureau.
Le matador va déposer à ses pieds
l'oreille, reçue en trophée, du taureau qu'il a tué dans les
formes. Le plongeur d'Acapulco s'agenouille
à un petit oratoire dissimulé dans les arbres, à la vue de tous, et
lui recommande la performance habile mais dangereuse qu'il va exécuter,
au grand étonnement des centaines de spectateurs qui le guettent.
Elle a remplacé Saint Christophe dans les voitures; le mariachi,
troubadour mexicain qui vous relance partout: à l'hôtel, sur les
places publiques, à l'entrée des monuments, aux endroits
d'excursions et qui, pour quelques pesos (unité de monnaie mexicaine
valant présentement huit cents) vous chante une romance ou vous joue
un air nostalgique sur sa guitare, lui a trouvé une place dans son répertoire
de folklore:
|
J'aime
beaucoup les brunettes, |
|
|
Depuis
qu'on dit bien haut |
|
|
Qu'une
bien jolie brunette |
|
|
Fait
coqueluche à Mexico. |
|
Le
conteur ne l'a pas oubliée non plus. Il y avait une fois, raconte-t-il,
un gentilhomme du nom de Don Tristan, que la fièvre mortelle de son
fils rongeait de chagrin. Il fit un vœu à la Bienheureuse Vierge de
Guadaloupe. Si elle lui sauvait son fils, il se rendrait pieds nus à
son sanctuaire pour lui présenter ses actions de grâces. Or, il plut
à la Bienheureuse Vierge, remplie d'amour et d'amabilité, d'écouter
avec bienveillance la prière de Don Tristan et de croire au vœu qui
l'accompagnait. Elle chassa la fièvre de Don Tristan fils et le
rendit à son père, resplendissant de santé.
Mais il arriva qu'après avoir obtenu de la Bienheureuse Vierge tout
ce qu'il lui avait demandé, Don Tristan père ne fit rien de ce qu'il
avait promis. Avancé en âge et souffrant de rhumatismes, la pensée
de parcourir pieds nus une distance de trois milles ne lui souriait
pas. Il commença donc à remettre l'accomplissement de son vœu à
une semaine, puis à deux... puis encore à une et encore à deux...
se disant que la Bienheureuse Vierge n'était tout de même pas dans
le feu. Elle pouvait bien attendre!... Puis il en vint à décider
qu'il n'en ferait rien.
Toutefois, avec pareil jeu, Don Tristan commença à sentir un certain
malaise au-dedans de lui-même, comme un remords qui le tracassait. II
se dit qu'il irait voir l'Archevêque et lui exposerait son cas. C'était
son ami et il comptait bien qu'en raison de cette amitié, il
obtiendrait facilement la dispense de son vœu. En fait, l'Archevêque,
lui-même d'un bon naturel et peu exigeant, acquiesça avec
condescendance à sa demande.
Malheureusement, un vœu est un
vœu et on a beau être archevêque,
il faut en tenir compte. Ainsi la Bienheureuse Vierge leur
montra-t-elle sans
tarder que, si elle ferme les yeux sur les niaiseries, elle ne laisse
pas l'herbe croître sous ses pieds lorsqu'elle s'impatiente. Trois
jours après avoir accordé sa dispense à Don Tristan père, le douze
décembre, il arriva que l'Archevêque se rendit à la Villa de
Guadaloupe célébrer la messe dans le sanctuaire de Notre-Dame.
Après la messe, il monta sur sa mule et prit le chemin du retour vers
Mexico. Or, voici qu'à sa grande surprise, il voit venir vers lui Don
Tristan père, pâle comme un mort et pieds nus. Sa mule s'arrête et
se met à trembler. Don Tristan s'arrête lui aussi et tend à son ami
une main glacée en lui disant d'une voix lugubre et caverneuse: «
Pour assurer le salut de mon âme, je fais mon vœu à Sa Seigneurie
». Et il continue sa marche... L' Archevêque tremble à son tour,
pas moins que sa mule, conscient qu'il se passe autour de lui quelque
chose d'étrange.
La mule ayant réussi à vaincre son tremblement et à reprendre sa
marche, l'Archevêque décida de se rendre tout droit chez Don Tristan
pour en retracer la centaine. Et il y vit ce qu'il pressentait: Don
Tristan père était là, étendu sur son lit de mort, recouvert d'un
drap mortuaire et encadré de quatre cierges allumés. Ses mains étaient
froides et croisées sur la poitrine; sa figure, pâle comme la mort:
exactement tel qu'il venait de le rencontrer...
(4.)
Toutes
choses qui prouvent bien que le souvenir de sa Madone nationale suit
le Mexicain de toutes classes, sur toutes les routes et dans toutes
les aventures de sa vie privée, sinon toujours de sa vie publique,
dans la prospérité comme dans l'adversité, et que cette Madone elle-même
reste fidèle à ses promesses. « Ils voient les saints miracles
qu'elle fait chaque jour », écrit l'historien Bernal Diaz. «
Image très pieuse... qui a fait de nombreux miracles », ajoute Juan
Suarez Peralta. (1568)
On comprend que les trois déménagements auxquels elle dut se plier
en 1791, 1826 et 1888, aient donné lieu à une certaine inquiétude
et causé un certain malaise. Les réparations qui s'imposèrent de
temps à autre à son temple en furent la cause. Ils se firent au
profit des moniales capucines logées tout près du Sanctuaire.
Dans son beau livre Notre-Dame d'Amérique, le Père Lee, C.S.S.P.,
nous donne une bonne idée de ce qui se passa à l'occasion du déménagement
de 1888. « La peine de voir l'Image s'éloigner, écrit-il, était
grande: n'était-elle pas le symbole de l'amour d'une mère pour ses
enfants? Des foules vinrent au Sanctuaire, bougies en mains. Tous
s'agenouillèrent et, comme s'ils devaient ne plus la revoir, ils
fixèrent sur elle un regard plein de tristesse en poussant des
soupirs et en versant d'abondantes larmes.
..................
(4.)
Légendes de la ville de Mexico, de
Thomas-A.
Janvier.
|